1997 – Le Monde – Une nouvelle ère

Après la dissolution de l'Assemblée Nationale par le président Chirac, les élections amènent une majorité de gauche, au printemps de 1997. Les négociations entre le PS et les Verts ont abouti à un accord dans lequel figurent notamment le sort du réacteur Superphénix et celui du canal Rhin-Rhône. La nouvelle ministre de l'Environnement s'appelle Dominique Voynet, elle est issue des rangs des Verts et son ministère inclut aussi l'attribution de l'Aménagement du territoire, ce qui est une première. À peine entrée en fonction, au moment de la passation de pouvoir, elle annonce son intention d'abandonner les deux projets, comme Le Monde du 7 juin le rapporte.

« S'agissant du projet de canal à grand gabarit, Mm Voynet a expliqué que cet équipement, "symbole ruineux", va "être abandonné, c'est évident". "Comment un projet dont personne ne voulait a-t-il pu rester aussi longtemps sur la table ?", s'est-elle interrogée avant de préciser que le surgénérateur Superphénix va lui aussi être arrêté. Ces deux mesures figurent dans l'accord Verts-PS, passé avant les élections législatives, et sont très attendues par les associations environnementales et antinucléaires. »

Après cette déclaration, même si on ne sait pas précisément quelles voies seront employées, une mécanique se met en marche. Le 10 juin, Mme Voynet déclare :

« Au cours des prochains jours, je vais demander aux préfets de me transmettre un état des lieux et de suspendre toutes les opérations. Il n'y a plus motif de faire pression sur les élus locaux pour qu'ils se prêtent à des opérations de restructuration foncière, ni sur les usagers et propriétaires pour qu'ils cèdent leurs terrains (…). 840 hectares ont déjà été achetés, dont 620 par l’État et 220 par la Compagnie nationale du Rhône : au total, 20 à 22 % des emprises nécessaires au creusement de la liaison de 229 kilomètres entre Mulhouse et la Saône. »

Dans un article du 13 juin, le journaliste Rober Belleret indique qu'une annulation par décret de la DUP, sorte de « déclaration d'inutilité publique », pourrait avoir des fondements juridiques flous. Il faudrait modifier la loi pour dispenser EDF de financer ce projet devenu fantôme. Le 14 juin, on apprend que les députés PS veulent une action du parlement pour arrêter Rhin-Rhône et dissoudre la CNR.

Le Monde du 22 juin annonce qu'une mission interministérielle sera rapidement mise en place pour étudier « les conséquences économiques financières et juridiques » de l'abandon du projet. Le 1er novembre 1997, un décret du Journal officiel abroge la déclaration d'utilité publique du canal Rhin-Rhône.

Vers une décision plus démocratique sur les grands projets

Dans Le Monde du 7 juin, Dominique Voynet annonce aussi des changements sur la procédure de décision concernant les grands projets d'infrastructures.

« La ministre a appuyé son propos en insistant sur sa volonté de changer les modalités de prise de décision touchant aux infrastructures. "Un des enjeux de fond consistera à réviser les modalités de prises de décision des grandes infrastructures. L'utilité publique ne peut plus se décider d'en haut, mais avec les citoyens, après une concertation longue et approfondie", a-t-elle expliqué. Le ministère de l'aménagement et de l'environnement "prendra le temps et les moyens de proposer des réformes des procédures en tenant compte de ce qui a déjà été fait", a encore dit Mme Voynet, proposant à Mme Lepage, qui a accepté, de contribuer à cette réflexion. »

La journaliste Sylvia Zappi revient sur le sujet dans Le Monde du 21 juin :

« Aujourd'hui, lorsqu'un projet est envisagé, à l'initiative de l’État ou des élus locaux, la procédure de consultation ne démarre qu'une fois le dossier prêt et bouclé, études d'impacts comprises. Le préfet fait afficher en mairie le projet et demande aux maires l'ouverture de registres de consultation des populations pour l'enquête publique. Une fois celle-ci terminée, le commissaire enquêteur rend un avis que le préfet n'est pas obligé de suivre. Pour les grands équipements, la décision remonte jusqu'au premier ministre, qui tranche après avis du Conseil d’État. Les citoyens ou associations contestataires n'ont comme unique recours que de démarrer une procédure en contentieux auprès du Conseil d’État. (…) La loi Bouchardeau de 1983 avait introduit un début de concertation, par la légalisation des enquêtes publiques lorsque l'environnement est menacé et l'élargissement des prérogatives du commissaire enquêteur. Avec la "révision de la procédure de déclaration d'utilité publique", M. Jospin veut renverser la logique même des décisions : si la réforme voit le jour, il faudra prendre l'avis des populations intéressées avant toute décision. »