1973 – Le Monde – Une liaison fluviale Rhin-Rhône sans calendrier

Au début des années 1970, les travaux d'aménagement des grands fleuves pour la navigation à grand gabarit battent leur plein. Le temps viendra où ils seront achevés et certains pensent déjà à connecter les bassins en franchissant les seuils. Le 27 janvier 1973, Olivier Guichard, ministre de l'Aménagement du territoire et de l’Équipement, répond à une question écrite du député des Vosges, Albert Voilquin, ce dont Le Monde du surlendemain rend compte. Selon le ministre, les travaux entrepris sur le Rhône, la Saône, le Rhin et la Moselle progressent selon le calendrier prévu. Mais le franchissement des seuils n'est pas encore à l'ordre du jour.

« Par contre, aucune amorce de franchissements de seuils n'a été prévue pour les prochaines années, compte tenu du niveau des ressources disponibles pour l'équipement des voies navigables et de l'urgence qui s'attache dans ce secteur à mener à bien l'aménagement des principales vallées. »

Il mentionne un projet de schéma directeur en préparation au Plan où il est question de créer une liaison Rhin-Rhône comprenant deux branches. La branche alsacienne aurait cependant la priorité sur la voie lorraine.

« Le long de [la voie alsacienne] existent de fortes concentrations industrielles et urbaines et dont le niveau de développement sera, dans un avenir assez proche, suffisant pour justifier la présence d'une voie navigable à grand gabarit. La création de la branche lorraine devrait normalement être envisagée après l'ouverture à la navigation de la branche alsacienne. »

Pour les élus de l'est de la France, l'absence de date fixée pour le lancement des travaux est un problème. Ils soulignent l'intérêt des liaisons du point de vue de l'aménagement du territoire, en plus de leur rôle de voies de transport.

Le ministre Guichard apparaît comme un défenseur de cette position lorsqu'il déclare (le 11 décembre 1972 – Le Monde du 13 décembre) qu'il est « plus important de réaliser la jonction fluviale avec le Rhin que de construire la liaison Paris-Lyon par turbotrain ». Le premier tronçon de ce qui sera le TGV était alors estimé à 1,5 milliards de F.

Mais avec une rentabilité projetée plus faible que pour d'autres projets fluviaux (Basse-Seine ou Seine-Nord), un canal Rhin-Rhône est handicapé par son prix considérable, estimé à 2 milliards de F 1972. La Compagnie nationale du Rhône (CNR) devait lancer de nouvelles études techniques et économiques.

S'agirait-il alors de gérer des priorités, tandis que les fonds sont limités ? C'est ce que suggère une intervention de Pierre Messmer, premier ministre et maire de Sarrebourg, en septembre 1972, devant les élus d'Alsace. Il leur expose l'avancement des infrastructures de transport de leur région.

Pour les routes, il y aura une autoroute Paris-Strasbourg et une radiale Mulhouse-Montbéliard-Beaune (A36). La voie fluviale Mer du Nord-Méditerranée sera conduite à son terme, ou plus exactement « aussi loin que possible ».

« Il faut conduire à son terme la liaison fluviale mer du Nord-Méditerranée. Cette réalisation vous tient à cœur, et le VIe Plan en confirme la nécessité en se donnant les moyens de l'amener aussi loin que possible. Elle implique encore une série d'étapes :
L'achèvement des travaux rhénans pour lesquels près d'un milliard de francs seront dépensés d'ici à 1977 en coopération avec l'Allemagne ;
La poursuite et l'amplification de l'aménagement du Rhône, du développement de la région marseillaise par l'achèvement de Fos. Ainsi, la région sud aura acquis un poids économique plus grand lorsque la liaison avec le nord deviendra effective pour le bien réciproque ;
l'étude et la préparation de la phase finale du franchissement des seuils auxquelles le concours éventuel de la Compagnie nationale du Rhône pourrait apporter un apport technique très qualifié et une volonté de coopération qui préparerait mieux l'entente définitive. »

Cette absence de calendrier est confirmée par un papier du 18 janvier 1973.

« La liaison fluviale mer du Nord-Méditerranée sera achevée et permettra d'accueillir des convois poussés de plus de 3 000 tonnes en 1982. La Saône sera mise au gabarit européen dès 1977. Outre les travaux concernant la Saône déjà engagés, l'achèvement de la modernisation du Rhône (chute de Vaugris en aval de Lyon notamment) est prévu pour 1977-1978. En revanche, la jonction entre Saint-Symphorien (Rhône) et Mulhouse n'est pas inscrite au VIe Plan, et aucun calendrier des travaux n'est arrêté. »