1964 - Le Monde - Valse hésitation autour de Rhin-Rhône

Au milieu des années 1960, le projet Rhin-Rhône faisait l’objet d’attentes diverses et pas toujours convergentes de la part des différents acteurs. D’un côté, le gouvernement souhaitait aménager un axe entre Rhin et Rhône pour équilibrer le développement économique du territoire français, lequel était trop centré sur Paris et devait être davantage connecté aux partenaires européens. Mais il est longtemps resté indécis sur les moyens à employer et notamment sur le mode de transport à favoriser. D’autre part, des élus des régions de l’Est étaient fixés sur le fluvial et la réalisation d’un canal à grand gabarit dit "européen". De cette divergence d’approche naquirent quelques malentendus.

Dans Le Monde du 17 décembre 1964, on apprenait que le ministère de l’Industrie prescrivait, selon les recommandations du ministère des Finances, la suppression de la cotisation de la chambre d’industrie de la Moselle à l’Association pour le développement des relations fluviales Rhin-Rhône. Cet acte fut interprété à la lumière du discours tenu à Marseille le 29 novembre par le ministre des transports Marc Jacquet, pour qui sans industrie lourde à Marseille, l’axe de transport ne pouvait être fluvial.

Henri Meck, député et maire de Molsheim, commentait alors le retrait de la CCI de la Moselle :

«Il serait profondément regrettable que l’idée de relier le Rhin au Rhône par un canal à gabarit européen soit abandonnée ou ajournée aux calendes grecques. La construction de ce canal avec ses deux branches, l’une par l’Alsace et la Franche-Comté, l’autre par la Lorraine, présente en effet un intérêt vital pour les régions de l’Est.»

Rhin-Rhône était-il abandonné ? En fait, non. Mais le projet ne suivrait peut-être pas la voie imaginée par les promoteurs du grand canal. Marc Jacquet, à la foire européenne de Strasbourg, donnait des gages à son public tout en faisant un cours magistral de géographie :

«Tout concourt à [la nécessité d’un axe mer du Nord-Méditerranée] : l’existence sur cet axe de régions déjà fortement industrialisées et de métropoles régionales qui comptent parmi les plus importantes et les plus dynamiques de notre territoire ; les excédents démographiques des zones desservies ; l’aboutissement de l’axe à de puissants établissements maritimes, au nord comme au sud, sa position stratégique qui en fait une articulation entre la France et le reste de la Communauté économique européenne. J’y ajouterai la possibilité d’un aménagement linéaire du territoire orientant le développement des pôles d’activité et évitant les inconvénients de l’expansion concentrique des régions fortes dont nous connaissons tous les inconvénients dans le Bassin parisien.»
(Le Monde du 4 septembre 1965)

La branche alsacienne reportée

Mais le projet envisagé pour cet axe embrassait bien plus qu’un renforcement des transports et quinze ou vingt ans seraient nécessaires à son achèvement. Par conséquent, la branche alsacienne ne pourrait être programmée pour le Ve Plan, prévu pour 1966-1970. En compensation, le ministre annonçait que le Plan prévoyait une section d'autoroute entre Mulhouse et Bâle, une autre entre Mulhouse et Montbéliard, l'agrandissement et la modernisation du port de Strasbourg, l'ouverture de la Moselle canalisée, l’électrification de la ligne ferroviaire Strasbourg-Kehl et celle du tronçon Dole-Mulhouse.