Le rapport Boeuf, 1978
1975, c’est la crise. Le pétrole est cher et il faut aider l’industrie à trouver des transports moins chers. Le canal Rhin-Rhône semble une bonne solution, malgré de nombreux points aveugles.
En 1975, l’impulsion au projet Rhin-Rhône est donnée par la présidence de la république et une enquête d’utilité publique lui apporte un avis favorable à la fin de 1977. Avant que le projet soit déclaré d’utilité publique, un rapport est commandé au Conseil général des Ponts et Chaussées, dont le groupe de travail est présidé par Robert Boeuf. Ce sont des extraits ce document, publié par la documentation française en 1979, que le CLAC avait reproduit et annoté en 1997.
La décision de relancer le projet en 1975 intervient dans un contexte différent des années 1960. La crise économique consécutive au choc pétrolier de 1973 provoque chômage et inflation. Durant cette décennie, le gouvernement (Barre, 1976) procède à des restrictions budgétaires pour limiter la hausse des prix et celle de la dette. Mais il décide aussi d’un plan de construction de centrales électro-nucléaires et d’un soutien important à la sidérurgie. De part les emplois générés et l’effet sur les prix du transport, le canal pouvait apparaître comme une réponses aux difficultés du temps.
Le principal effet attendu du nouvel ouvrage est la baisse du coût du transport et l’industrialisation («la voie d’eau est nécessairement un facteur de développement industriel»). On peut s’interroger de façon rétrospective sur les évolutions du coût du transport depuis 1977 et sur le rôle qu’a joué la voie d’eau. D’après une Ministère du Développement durable).
Concernant l’investissement, il faut intégrer la dérive des prix et le changement de monnaie. Pour un indice des prix de 100 en 1975, on a un peu plus de 400 en 2012 (source INSEE). Avec un projet chiffré à près de 5 Mds de FF en 1975, on compte environ 3 Mds € (2012). Même en tenant compte d’une réévaluation à 7,5 Mds de FF TTC en 1978 (équivalents à 3,5 Mds € 2012), on constate qu’un tel investissement se révèle plus coûteux aujourd’hui (il est évalué à 10 Mds €).
Le projet de 1975 en quelques chiffres : 229 km de long, dont 123 km de canal artificiel et 100 km de rivière canalisée. Les écluses sont au nombre de 24, avec une hauteur maximale de 24 mètres (11 en moyenne). Le bief de partage est à la cote 336. Le tirant d’eau est de trois mètres, avec quatre mètres prévus par la suite. Le tirant d’air est de six mètres. Les travaux nécessitent le déplacement de 74 millions de mètres cubes de matériaux et l’emprise de l’ouvrage implique l’acquisition de 4500 ha de terres agricoles.
Présentation faite par le Clac en 1997:
Suite à la décision de construire la liaison fluviale Saône-Rhin à grand gabarit, annoncée par le président de la République en 1975, l’enquête d’utilité publique fut menée sur le terrain de fin 1976 à début 1977.
Malgré de graves déficiences de l’enquête sur l’impact environnemental et une tromperie manifeste sur les conclusions du rapport Linder, du
CETE de Lille, et grâce à une étude économique très optimiste sur les prévisions de trafic, l’enquête d’utilité publique avait conclu favora-
blement au projet. Avant que l’utilité publique ne soit décrétée, le Conseil général des Ponts & Chaussées (CGPC) fut saisi pour donner son avis. Les conclusions du rapport Bœuf sont franchement favorables, même si quelques réserves sont émises par « certains membres
Le rapport Bœuf a été de la commission ». Les opposants au projet sont quant à eux dans ce recueil accusés d’avoir « bénéficé d’appuis financiers extérieurs » (sic). Que s’est-il donc passé entre 1978 et les rapports très critiques du même CGPC de 1994 et 1996 (cf. rapport
Maistre et rapport Bolliet-Renie) ? On peut avancer quelques hypothèses. Soit le CGPC a fait des progrès en esprit critique (il faut reconnaître que pour trouver les failles d’un gros projet tel que Rhin-Rhône, les opposants ont tous mis de nombreuses années). Soit le projet est devenu obsolète depuis 1978, en raison de la modification de l’économie des transports. On peut aussi être plus polémique et supputer qu’une étude reflète l’opinion de celui qui la commandite. Quand l’Etat voulait réellement faire le canal, les études et rapports étaient favorables. Quand l’Etat cherche à se débarrasser de cet encombrant projet sans l’avouer ouvertement, ce sont les rapports qui
s’en chargent...
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