1997 – Le Monde – Inventaire après décès

Les élections législative ont vu la victoire des « candidats de terrain impliqués dans les luttes locales », selon le Monde du 5 juin. Le journaliste Jean-Paul Besset se demande s'il s'agit du rejet d'un modèle de développement inégal et destructeur.

« [Est-ce] le rejet de l'image d'une France appréhendée arbitrairement en trois dimensions : une population hyper-concentrée dans quelques métropoles et en bord de mer, un espace voué à l'industrialisation agricole immenses champs de céréales et ateliers d'engraissage du bétail entrecoupé de forêts denses, et un maillage du territoire fondé sur des voies de communication à grande vitesse, TGV et autoroutes, ne reliant que les points riches de l'Hexagone. Le reste, tout le reste, c'est-à-dire tout ce qui fait la diversité et la singularité du patrimoine collectif, autrement dit la qualité du cadre de vie étant voué à la disparition ou à l'abandon. »

Comment le nouveau pouvoir traduit cette aspiration ? Pour Jean-Paul Besset, il doit faire le tri.

« Le nouveau gouvernement hérite d'abord de la facture de travaux en cours, parfois gigantesques, souvent sans cohérence, dont le canal Rhin-Rhône (25 milliards pour un trafic de marchandises que tout le monde s'accorde à prévoir négligeable) constitue l'exemple typique. Il devra aussi en finir avec l'incertitude de plusieurs projets en suspens, en particulier avec ces morceaux d'autoroutes surnuméraires, présentés comme les sésames absolus du développement alors qu'ils sont la plupart du temps des gouffres financiers (les sociétés d'autoroute vont atteindre un endettement de plus de 200 milliards, soit le double de celui du Crédit lyonnais) et des massacreurs d'identités paysagères. »

Dans ces discours, Jean-Claude Gayssot, le nouveau ministre des Transports, insiste à plusieurs reprises sur l'intermodalité. Le 21 juin, lors du Pardon national de la batellerie, à Conflans-Sainte-Honorine, il se prononce pour une « meilleure complémentarité des moyens de transport » et pour une « politique de modernisation et de progrès de la voie fluviale » (Le Monde du 26 juin 1997). Dans le numéro du 26 septembre, on prend connaissance de détails sur le budget des transports en préparation. Avec 47,3 milliards de francs, les transports en commun reçoivent 2 % de plus que pour l'exercice en cours. L'accent est mis sur le ferroviaire et les transports collectifs urbains. C'est par ce moyen que le ministre entend concrétiser cette complémentarité qu'il appelle de ses vœux.

Dans le budget 1998, les voies navigables ne sont pas maltraitées, puisqu'elles voient leur budget passer de 350 millions à 430 millions de francs. En guise de compensation pour le canal qui ne se fera pas, EDF est aussi mise à contribution par une augmentation de 26 % de la taxe qu'elle paye sur l'électricité du Rhône (800 millions au total). Ce budget financera principalement des travaux de rénovation. C'est d'ailleurs ce que demandent les opposants au défunt projet Rhin-Rhône dans Le Monde du 24 juillet 1997. La coordination Saône et Doubs vivants, Sundgau vivant-WWF se déclare favorable à une amélioration du chenal existant entre Chalon et Saint-Jean-de-Losne, pour 23,5 millions de francs.

Cependant, concernant la voie d'eau, tous les projets ne sont pas arrêtés, puisque dans l'édition du 29 juillet du Monde, on lit que le projet de canal Seine-Nord sera lancé au mois de septembre suivant. La brève souligne que « à la différence de Rhin-Rhône, son principe ne soulève pas de réserve économique ou écologique ».