1960 - Le Monde - Des échos du rapport Abel Thomas.

Le rapport de Abel Thomas marque, en 1960, une accélération dans le projet de canal à grand gabarit entre les bassins du Rhin et du Rhône. Un article du journal Le Monde du 23 juin de cette année résume les enjeux tels qu’ils sont perçus à ce moment.

La préoccupation des ministères est d’intégrer l’économie de la France aux flux d’échanges de l’Europe en construction et d’éviter une marginalisation du pays. L’aide financière de la Communauté n’est pas non plus étrangère aux motivations.

«L'auteur de l'étude de base insiste sur l'urgence d'une prise de position officielle. D'une part parce que le Fonds de développement européen, qui pourrait financer une partie des travaux, est déjà très sollicité et ne dispose pas de ressources inépuisables, d'autre part parce que de grands itinéraires européens sont projetés qui risquent d'établir des courants de trafic dont la France ne profiterait aucunement.»

Ce projet s’inscrit dans un plan d’ensemble européen, selon un autre article du 28 août 1960, qui rappelle l’aménagement en cours de la Meuse aux Pays-Bas et en Belgique et l’intérêt pour la France de continuer les travaux sur son territoire :
«La canalisation de la Moselle, la construction d’un port fluvial à Mertert, dans le Luxembourg, la liaison Meuse-Rhin compléteraient le dispositif, qui serait prolongé au nord par une amélioration des conditions de navigabilité entre l’Escaut et le Rhin, et à l’est par la liaison Rhin-Main-Danube, qui «mériterait d’être activée» (selon la Commission).»

Une nouvelle infrastructure de transport entre Rhin et Rhône pourrait, selon le résumé du rapport Thomas qu’en fait Le Monde du 23 juin, ouvrir à une sidérurgie lorraine "enclavée" les marchés du sud et élargir au nord l’hinterland du port de Marseille. Elle serait un «levier puissant» pour produire un développement équilibré du territoire et modérer l’exode rural qui se déversait alors massivement vers la région parisienne.

Le projet tel qu’il est pressenti à l’époque consiste d’abord en un canal au gabarit de 1350 tonnes entre le bassin de la Saône et la Moselle, laquelle était en cours d’aménagement jusqu’à Koblenz (Coblence), son confluent sur le Rhin. Le raccord du Rhône jusqu’au Rhin par Strasbourg, Mulhouse et le Doubs est jugé également nécessaire. En revanche, le canal Transhelvétique qui aurait impliqué un coûteux aménagement du haut-Rhône, est abandonné.

Le coût du projet retenu n’en est pas moins considérable, malgré un gabarit préconisé de 1350 tonnes qui paraît bien modeste aujourd’hui. On évoque 2,7 milliards de nouveaux francs, dont 600 millions pourraient être pris en charge par l’Europe. Resterait à la France à payer l’équivalent en1960 de «dix petites centrales hydro-électriques».

Aujourd’hui, le gabarit envisagé pour Saône-Moselle / Saône-Rhin voit passer des convois de 4400 tonnes. Une autre échelle, assurément.