Le rapport Boulloche, 1961
Dès les années 1960, le Commissariat au Plan s'interroge sur le projet d'axe Rhin-Rhône. Ces questions sont toujours intéressantes alors même que le monde a changé en un demi-siècle.
Cette étude datant de 1961 émane d’un groupe de travail présidé par André Boulloche, commissaire général au Plan. Elle porte sur l’axe de transport par voie d'eau entre le Nord-Est de la France et la Méditerranée, devenu par la suite le projet de canal Rhin-Rhône.
Les années 1960 sont un monde lointain mais certaines questions soulevées par le rapport sont toujours justes et utiles aujourd'hui. La période est marquée par une croissance économique soutenue qui correspond à l’urbanisation du pays, à la modernisation des transports et de l’industrie, à l’évolution des modes de vie. La France est un pays en pleine reconstruction, sans chômage de masse et une puissance sûre d'elle qui vient d’acquérir la bombe nucléaire. C’est une époque où l’État planifie et n’a pas de scrupules à agir directement dans la vie économique et à créer de nouvelles infrastructures. Dans un rapport nuancé et empreint de la recherche de l'intérêt général, le commissariat au Plan n’est pas sans réserve sur le projet qui lui est soumis.
Il commence par rappeler les données de la géographie physique et humaine. Entre la Méditerranée et la Mer du Nord se dressent des reliefs et joindre avec un ouvrage d’art deux bassins versants qui ont longtemps regardé vers leurs avals respectifs est certainement un pari.
Dans les années d'après-guerre, le déséquilibre entre la région parisienne et le reste du pays est un sujet de préoccupation. Le port de Marseille est en danger de perte d’activité du fait de la disparition de l’empire colonial. Le rapport interroge la valeur du projet dans le but de rééquilibrer le développement du pays sur tout son territoire.
Il pose aussi la question de l’évolution à long terme de l’économie française. Sera-t-elle assez compétitive face aux partenaires de la Communauté économique européenne ? L’accroissement de la qualification des travailleurs permettra-t-elle d’améliorer suffisamment le niveau de vie ? Quel est l'avenir des industries lourdes - métallurgie et mines - pour lesquelles la voie d'eau est réellement avantageuse ? Le rapport l’affirme, l’opportunité d’un canal Rhin-Rhône doit d’abord être appréciée au regard des effets qu’il aura sur le tissu économique et non pas seulement de son utilité directe. Et l’effort que sa construction exige de la collectivité nationale doit être d’un rendement suffisant.
Présentation du Clac, 1997:
Un an après le rapport d’Abel Thomas, Commissaire à l’Aménagement du territoire, consacré à l’axe Rhin-Méditerranée (cf. chapitre DATAR), le gouvernement commande un rapport sur le transport par voie d’eau entre le nord-est de la France et la Méditerranée. Nous sommes alors au beau milieu des fameuses « Trente glorieuses », ces années de forte croissance qui ont suivi la Seconde guerre mondiale, et peu de temps après la signature du Traité de Rome, instituant la Communauté Economique Européenne. Pourtant, malgré la certitude que l’Europe va continuer à connaître pendant très longtemps une croissance démographique, économique et une explosion concomitante des flux de transports de marchandises, malgré un tissu économique encore très marqué par l’industrie lourde, et donc par d’importants trafics de pondéreux, les conclusions du rapport sont très nuancées. Avant de lancer la construction d’un canal à grand gabarit entre la Saône et le Rhin, ou entre la Saône et la Moselle, investissement dont « rien ne permet de conclure que les effets induits se produiront avec la rapidité et l’importance nécessaires pour le justifier », les auteurs préconisent plutôt la modernisation du transport ferroviaire, l’achèvement des travaux sur le Rhône et la poursuite d’études plus approfondies sur l’amélioration du transport fluvial. Surprenantes lucidité et modernité d’un rapport datant de plus de 35 ans !
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