1964 - Le Monde - Des doutes sur l’intérêt de Rhin-Rhône

Dans la période précédant le cinquième Plan (1966-1970), le gouvernement s’inquiétait d’évaluer l’intérêt d’une liaison fluviale entre Rhin et Rhône, surtout en regard de son coût. En 1962 était créée au ministère des Travaux publics une commission des grandes liaisons fluviales, chargée notamment de passer au tamis le projet mer du Nord-Méditerranée. Dans Le Monde du 4 mars 1964, le ministre Marc Jacquet indiquait que pour prendre une décision, plusieurs études étaient encore nécessaires et d’en faire la liste :

« Les premières concernent les économies des dépenses de transport apportées par ces grandes liaisons. Elles doivent permettre, en particulier, de déterminer les prix de revient des différents modes de ce transport, qu’il s’agisse du poussage, de la navigation par automoteurs ou enfin d’un système de navigation mixte par barges équipées d’un appareil propulsif amovible. Dans le dessein d’apprécier d’une manière plus exacte l’avenir des transports par eau, une deuxième catégorie d’études économiques s’est orientée vers une enquête portant sur l’évolution à long terme des structures industrielles lourdes, et plus particulièrement sur les variations des coûts de production et de transport, en fonction de la localisation et de l’existence des grandes voies d’eau. Enfin, dans une troisième catégorie d’études, des spécialistes ont déjà effectué des recherches sur les critères de rentabilité des investissements importants que nécessitent les grandes liaisons fluviales. »

Les résultats étaient attendus pour l’été.

Mais le 29 novembre de cette année, Marc Jacquet en déplacement à Marseille temporisait tout en réaffirmant l’importance d’un axe économique Rhin-Rhône. Un pur exercice de diplomatie relaté par le journal du 3 décembre. Mais il laissait aussi entendre que le fluvial n’est peut-être pas la meilleure option :

« Je ne suis pas encore convaincu que la voie fluviale soit nécessaire. Mais quelle que soit la solution retenue, tout dépendra de Marseille. Si Marseille ne devient pas une grande capitale économique, peu importera que nous fassions l’axe Rhin-Rhône par la voie fluviale, par le fer ou par la route. Cela n’aurait plus de sens. Mais, ajouta M. Jacquet, si Marseille dispose d’une industrie lourde parfaitement capable de donner sa substance au canal, alors il faudra faire un canal. »

Un déclaration contrastant avec la grande vision exposée précédemment par président de la Chambre de commerce de Marseille :

« C’est leur vaste hinterland industriel et ses liaisons qui sont la base essentielle de la prospérité de nos concurrents européens. Un ensemble portuaire, de Marseille à Port-Saint-Louis-du-Rhône, parfaitement équipé pour travailler aux meilleures conditions de productivité, un véritable Euro-port avec sa zone industrielle à l’échelle européenne, ne doivent se concevoir, pour être réellement efficients, que prolongés, reliés, en quelque sorte soudés aux régions industrialisées de la métropole et au-delà, de l’Europe elle-même. Cette jonction, c’est l’axe Méditerranée-mer du Nord, prolongement naturel d’un grand port qui paraît être désigné comme assurant la liaison entre le bassin du Rhône et le bassin rhénan. »